Rencontrer
Retour professionnel, bref, à Paris. Le train, la Baie, gare du Nord. Hier. Je la rencontre sur le quai désert, petite, menue, dynamique.
Elle aussi se rend à Paris pour quelques jours qu'elle espère brefs. Je l'aborde, ce n'est pas dans mes habitudes, je suis plutôt réservée mais là, une envie.
En me servant du marche pied qu'est le temps, la tempête, le gros coefficient de la marée....ça marche! Elle s'appelle Irène, a tenu seule un café dans le 10 ème de 1978 à 2001. Elle se rend à Paris voir son avocate. J'avais bien capté son côté déterminé. Depuis qu'elle a vendu son café c'est son 1er retour à Paris, elle ne pouvait pas suite aux attentats, c'est son secteur, elle connait tout le monde. Elle me parle des plantes médicinales qu'elle adore et fait pousser depuis qu'elle est revenue vivre en Baie dans la maison de sa mère, un bourg de 150 âmes.
De son enfance, elle était bergère et gardait les moutons dans les molières couvertes de plantes odorantes.
Nous noue découvrons des choses communes: une mère d'origine polonaise, une passion pour le vélo le long de la rivière Somme.
Elle me conseille de râper les betteraves et les carottes et de les arroser de jus d'orange, c'est meilleur qu'avec du jus de citron dit-elle fermement.
Arrivées gare du Nord, elle me claque la bise; je quitte Irène et le "9 de trèfle".
Dans le RER, intérieurement entre deux eaux comme toujours en revenant de Baie, je me sens les yeux immensément ouverts, est-ce dû à la vision le matin encore de la mer à son plus haut point, remuée par le vent, les embruns sautant joyeusement au visage, heureuse jusqu'au fond de l'âme....je le pense.
Je me trouve beaucoup moins agressée par la foule, l'entassement. Je viens pour ce rendez vous professionnel emplie de la présence vivifiante de la mer....et tout se passe bien. Il me semble qu'une porte de compréhension s'est ouverte; je vais accentuer la vie sur ces 2 territoires, l'un nourrissant l'autre à tour de rôle, ce sera un peu compliqué mais ma foi, l'expérience est positive, comme un lent balancier.
Il est 11h, je suis à nouveau dans le Corail, je travaille, je lis, j'écris, je dessine, je suis en train d'apprendre ma nouvelle vie.
Dans une heure, je vais retrouver les embruns....jusqu'au prochain mouvement du balancier qui relie les deux points.