Pas sans Elles
Et puis. Elle s'est retrouvée seule. Dans la grande maison. Que je trouvais froide....sauf la cuisine qui sentait bon les gâteaux.
J'arrivais à vélo...déjà! , j'avais coupé à travers champs pour humer les parfums d'herbe. Elle m'attendait. Savait que j'allais venir. La grille, le jardin, le grand tilleul parfumé, la fenêtre, le rideau ouvert, Elle, au rideau.
Ma mère ferait la même chose, plus tard, à chacun de mes retours de Paris.
Mais si! je t'assure! je préfère revenir à pied de la gare, tu ne le sais pas car, par pudeur nous ne parlons pas de cela, mais, je renifle les coins de ma vie en faisant ce trajet jusqu'à toi. Jusqu'à ce rideau, cette fenêtre, ton visage. Superposé, dans le passé, à son visage...à Elle.
Mais je sais que ces deux "Elles" sont mêlées.
Elle ouvrait les albums photos de son pays, la Pologne, alors pays interdit; elle me parlait, les montrait, eux, sa famille.
De mon point de vue d'enfant, j'étais sensible aux costumes, à la beauté des photos noir et blanc.
Elle pleurait. Ca m'embêtait. Enfant, on ne comprend pas la tristesse non expliquée des adultes.
En repartant je m'ébrouais sur le vélo, je criais au vent mon inquiétude.
Le non- dit se traine de générations en générations comme le gros sac mal ficelé de ceux qui ont quitté leur pays.
Allez comprendre pourquoi ce soir, en écoutant Sonia Wieder Atherton et Davia Hovora (violoncelle et piano), le rideau se soulève à nouveau à leurs fenêtres, et leurs deux visages de femmes se dessinent, sortis du brouillard qui brutalement vient de tomber sur la ville.
Le piège de ne pas avoir pu "dire", l' inter-dit .
Aussi, leur Dire , ce soir, mon amour,
ma grand mère, ma mère.
( lnfini)
belle soirée à vous