Le dire et le faire
Le cadre : un retour à Paris, vous savez la ville lumière, et ses transports en commun.....
Le tram, plein comme un oeuf. Fin de matinée. Gris autour. Gris les visages. Les portes s'ouvrent. S'engouffre un peu plus de monde....un commandement inventé ; les transports en commun, jusqu'à la lie, tu prendras.....création personnelle je vous rassure.
Impossible de lire. En cause? une horrible odeur de pipi. Je me mets à "enquester" silencieusement. Celui-là? tentons d'approcher...reniflage discret. Bof! vous avez remarqué que, d'instinct, je pense "celui"
Coups d'oeil furtifs....ah! j'ai ferré le poisson,
"il" occupe quasiment 2 places c'est mieux, à chaque mouvement " l'odeur" surgit, abjecte, il enlève ses chaussures, hume ses chaussettes. Signe de comportement sain en public ; je sens si je sens , on fait tous ça dans les transports....évidemment!
bref!
l'homme est un clochard.
Je lâche l'affaire et m'enfouis dans mon cache-nez façon cygne dans ses plumes....j'expire et reste en apnée dessous.
A ce moment là, nouvelle entrée dans le tram, une mère et ses trois enfants, une poussette. Je recommence à bouger pour observer.
Un enfant dans le dos,un dans la poussette, un sac, et l'ainée maximum 5 ans. Pressée, l'ainée, de trouver un quignon de place parmi ces adultes qui la dépassent. Elle s'agite, repère....ce qui reste de place à côté du "monsieur-pipi", et fonce droit dessus....intérieurement, je me dis "non! pas là!"
Mais elle s'incruste, s'insinue comme un petit serpent. La mère n'a rien vu. L'homme émerge de ses chaussettes lourdement, la regarde fixement...on sent que tout est lent dedans mais brusquement, il entreprend de la caler-coller contre lui
je veux dire qu'il la saisit sous les bras, donc la touche, pour l'asseoir au fond du siège et surtout se colle contre elle. Petit bout de gamine a son biscuit à la main, comme statufiée par ce contact. Muette, elle baisse la tête, essaye de regarder dans la direction de la mère.....qui ne voit rien, elle regarde dehors...
Je suis debout, j'étouffe, je vois, je suis dans le même mutisme que la gamine, je regarde la mère, je lui crie quelque chose silencieusement.
Je me rends compte qu'une autre femme, debout avec son fils, regarde la même chose, les yeux écarquillés, la bouche dessine un "non" silencieux, le même que le mien.
Car elle vient de voir .....que l'homme-pipi a son sexe sorti, une espèce de masse émerge de ses frusques, on ne voyait rien car il était plié sur ses godasses.
La petite fille ne bouge plus, prisonnière.
Je vais bouger, enlever cette lourde chape de silence, je fais 3 pas vers la mère et lui dis "votre fille est là bas, ce n'est pas la bonne place". La mère du tac au tac l'appelle, la fillette se lève d'un bond comme réveillée, la rejoint, debout à ses côtés. L'homme a replongé dans ses godasses comme dans des limbes.
Ma station est là, je descends, j'ai froid dedans, tout cela n'a duré que quelques minutes mais m'a semblé être une éternité.
Je n'ai jamais pu me réchauffer en nageant.
Eduquer....c'est aussi apprendre à dire, à mettre les mots justes pour pouvoir poser ensuite, les actes nécessaires à sa vie.
( flamme intérieure)