Le jeu
Train presque vide. Petites brumes sur la campagne. Il est tôt. Je m'amuse avec l'appareil photo ; le jeu consiste à ne pas me faire prendre, c'est un nouveau jeu.
Je m'amuse bien d'ailleurs, je me contorsionne sur le siège, je me baisse.
Enfant, j'étais dans mon lit et j'écoutais les murmures venant des conversations "entre adultes" de mes parents qui étaient au salon.
Entre ma chambre que je partageais avec ma soeur, et le salon, un long couloir plein de virages estimés dangereux par ma petite personne.
Le jeu très excitant consistait en un défi ; rallier le salon sans se faire repérer par les parents, en rampant ; pourquoi en rampant? j'avais évalué avec ma soeur que c'était silencieux comme procédé, objectivement c'était faux, car multiples risques de frottements sur les carrelages et l'ennemi pouvait entendre.
Je rampais donc, encouragée avec forces gestes par ma soeur restée sagement dans son lit, elle.
Arrivée à destination c'est à dire derrière une porte vitrée, il fallait écouter et revenir avec des informations fraiches. Je n'entendais pas grand chose car mon coeur battait à toute allure, de peur et d'excitation.
Il fallait ensuite faire le chemin inverse et j'avais ajouté un obstacle ; m'arrêter à la salle de bains, ouvrir le robinet et boire un coup, tout ça sans bruit pour que le défi soit total ; qu'ils n'entendent pas la moindre goutte d'eau.
Ca ne fonctionnait pas toujours ; ma mère faisait irruption brutalement dans mon monde en me houspillant sévèrement
j'étais la vilaine et je donnais le mauvais exemple à mes soeurs, sacrilège!
a contrario, elle aurait pu me féliciter pour mes exploits mais bizarrement ça ne lui est jamais venu à l'idée...
Alors, maintenant, je me dis que c'était drôlement marrant. Et donc dans ce train ensommeillé, avec l'appareil photo, je joue à ne pas me faire repérer, je joue et c'est drôle
je vous souhaite un doux samedi d'automne; il fait tellement beau!